Pénurie chez les restaurateurs : les jeunes ne veulent plus bosser... pour rien
- Bettina Zourli
- Jul 20, 2023
- 3 min read
Un marronnier qui revient chaque année un peu plus en force, en particulier depuis que la crise sanitaire du covid-19 a frappé de plein fouet l'économie française et mondiale. Les restaurateurs peinent à recruter, voilà l'information que nous relaient les médias d'information.
La Dépêche titre " Pénurie de main-d’œuvre dans la restauration : les cuisiniers se font désirer ". Le Figaro ajoute : " Hôtellerie-restauration: les écoles s’ingénient à pallier la pénurie de personnel ". Et 20 Minutes écrivait déjà en décembre 2022 : " Restauration : « Il manque 200.000 postes », d’après Thierry Marx ".
Autant d'articles qui appuient sur le désarroi des restaurateurs, qui sont nombreux à devoir adapter leurs horaires voire fermer, faute de personnel.
Autant d'articles aussi qui ne donnent jamais la voix au chapitre aux salariés manquants. On peut lire que cette crise du secteur serait due aux factures énergétiques qui s'allourdissent ainsi qu'aux prix des matières premières qui ne font qu'augmenter.
En Belgique, le constat est le même : on apprend d'ailleurs qu'Anvers, où il manque environ 300 personnes, un programme pour former des jeunes issus de l'immigration et ne parlant pas français a vu le jour, comme le relaie cet article de SudInfo. Pour pallier le manque, on reprend les bonnes vieilles techniques d'utiliser une immigration a bas coup qui fait le boulot dont les nationaux ne veulent plus.
Dans ces articles, un angle mort subsiste. Quid des salaires de misère du secteur, jamais revalorisés ? Des horaires qui dépassent largement les 35 heures sans compensation ? D'un secteur où l'on est parfois mal considéré, voire qui peut s'avérer dangereux, en particulier pour les femmes ?
Pourquoi aucun média ne parle d'un potentiel changement générationnel, où les jeunes d'aujourd'hui ne veulent plus bosser pour rien ?
A la fin 2022, selon l'UMIH, c'étaient entre 200 000 et 300 000 postes non pourvus en France qui manquaient au secteur de l'Horeca.
On remarque quand même que certains grands chefs, à l'instar de Thierry Marx, pointent le problème du doigt. Ce dernier s'est en effet exprimé sur le sujet en indiquant que " L’heure n’est plus au rapport sacrificiel au travail. "

Et il n'a pas tort. Comme le montrait Le Monde dans une enquête publiée en 2022, le rapport au travail des jeunes (vingtenaires) évolue de manière considérable. Elle semble déjà loin, la génération qui encensait la valeur travail : aujourd'hui, les jeunes rêvent d'autonomie, de flexibilité, d'un réel equilibre entre vie privée et vie professionnelle, et surtout pas de se sacrifier sur l'autel du salariat, en particulier quand il est mal payé.
Autre poncif relayé abondamment par les médias d'information, attestant d'une incompréhension totale des enjeux actuels, est de répondre que les jeunes ne veulent simplement plus travailler. Ils seraient devenus fainéants, égoïstes, et tellement déprimés qu'ils sont incapables d'aller charbonnier cinq jours sur sept sans se plaindre, vous vous rendez compte ?!
Or, il suffit simplement de reprendre la courbe de l'inflation et celle des salaires pour comprendre un fait évident : nous travaillons toujours autant, voire plus quand on parle du secteur de la restauration et de l'hôtellerie, pour gagner ... moins, si l'on prend en compte le coût de la vie.
Selon le site cidj.com, le salaire d'un serveur se situe entre 1800 et 2100 euros brut, soit 1400 à 1640 euros en net. En vivant dans une grande ville, sans même compter Paris, se loger et vivre normalement, c'est tout bonnement impossible. Ce n'est qu'un exemple parmi tant d'autres.
Ce qu'il faut saisir, c'est que continuer de penser que la valeur travail est centrale pour la génération Z (et même la génération Y qui est nombreuse à se questionner sur le sens du travail), c'est se mettez des œillères. Les salaires n'ont jamais été aussi bas au regard des charges quotidiennes, et si certains secteurs n'arrivent plus à embaucher, c'est simplement parce qu'ils exploitent et qu'ils paient mal, pas parce que les jeunes sont des fainéants.
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